Ils simulent l'écoulement du sang dans les artères et modélisent l'activité électrique du coeur : mathématiciens et ingénieurs s'emploient à développer de nouveaux outils pour aider le monde médical à se former et à mieux soigner. Jean-Frédéric Gerbeau, chercheur en mathématiques appliquées à l'INRIA établit un parallèle avec ce qui a été réalisé dans le secteur automobile avec la simulation informatique des crash tests. "On ne va pas remplacer l'expérience réelle, mais on va permettre de la réaliser de manière plus rationnelle, mieux préparée", a-t-il expliqué lors d'une rencontre avec la presse. Ses travaux portent sur la simulation numérique du système cardiovasculaire: écoulement du sang dans les artères et activité électrique du coeur.
Deux types d'applications sont envisagées: cliniques, pour améliorer le diagnostic et anticiper le geste thérapeutique, et industrielles, pour tester des dispositifs médicaux comme des stents (petits ressorts placés dans les vaisseaux).Dans ce dernier cas, la simulation "peut se substituer à une partie des expériences sur l'animal", souligne le chercheur, avec un gain sur les plans de l'éthique et des coûts. "Mais on aura toujours besoin de tester sur le vivant", ajoute-t-il.
En clinique, la modélisation mathématique "donne accès à des quantités cachées". A partir des données anatomiques fournies par l'imagerie et du débit sanguin, on peut par exemple calculer les contraintes mécaniques dans la paroi d'une artère et les frottements. Soit entre 500.000 et un million d'équations à résoudre... Dans le cas d'une cardiopathie nécessitant une intervention complexe, la simulation doit permettre "de tester divers scénarios pour dégrossir le problème", une sorte de "guidage prédictif", explique-t-il.
La modélisation de l'activité électrique du coeur est testée au King's College de Londres. Un débouché attendu est d'optimiser l'utilisation des pacemakers, qui régulent l'activité électrique cardiaque.
De son côté, Erwan Kerrien, ingénieur à l'Inria Nancy, travaille sur l'introduction de l'imagerie 3D dans la salle d'opération, pour enrichir les informations dont disposent les chirurgiens en temps réel. Ses recherches portent plus spécifiquement sur la neuroradiologie et notamment la prise en charge des anévrismes intracrâniens. Ses derniers travaux visent à mettre au point une simulation en temps réel, à partir d'images 3D (angiographie), de ce qui se passe dans les vaisseaux sanguins où est introduit le cathéter qui servira à traiter l'anévrisme. Le chirurgien pourrait ainsi "tester différents choix thérapeutiques", comme la taille du coil, la mini pelote qui bloquera la circulation sanguine dans l'anévrisme.
Ces recherches ne devraient pas déboucher sur une utilisation en pratique courante avant une dizaine d'années, compte tenu des problèmes qui restent à résoudre, notamment la modélisation 3D de la position du cathéter et le temps de calcul. Mais la simulation numérique peut aussi être utilisée pour former des jeunes médecins sur des mannequins, précise Erwan Kerrien. "On voudrait récupérer et modéliser les cas intéressants", explique-t-il. Une quinzaine d'équipes de l'Inria travaillent sur des problématiques liées à la médecine numérique ou aux neurosciences. La complexité de la modélisation des éléments du corps humain et la grande variabilité des modèles.
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