Thématique d’investissement en décollage aux Etats-Unis et déjà populaire en Allemagne, le développement durable appliqué à l’immobilier reste très limité et inégal en France. Selon le baromètre Ademe/Novethic, les velléités affichées des uns (AXA, Casino, Bouygues Immobilier) voire la quasi absence d’intérêts (BNP, Natixis AM, Nexity, Société Générale) côtoient de réels engagements chez les autres (Saint Gobain, Lafarge, Carrefour, Accor). Or, l’immobilier, important émetteur de gaz à effet de serre et consommateur d’énergie, sera en première ligne des réglementations contre le réchauffement climatique. L'immobilier durable s'avère incontournable pour les investisseurs. |
« Phare » écologique. En juillet 2006, la sélection de la future tour « verte » de la Défense dont la livraison est prévue en 2012 par l’architecte Thom Mayne, marque le renouveau du quartier d’affaires parisien et un parti pris écologique sans précédent. Les turbines éoliennes, la recherche d’une isolation optimale et les matériaux innovants... sont aussi le fruit du concept de la tour « Hypergreen », développée par l’architecte Jacques Ferrier et Lafarge, leader mondial des matériaux de construction. Mais ces projets de tour « phare», symbole d’une politique ambitieuse de développement durable pour des groupes comme Lafarge, baignent plutôt dans un océan de relative indifférence chez les acteurs de la filière immobilière.
« Prise de conscience ». La récente étude sur l’immobilier durable menée par l’Ademe (Agence pour l’environnement et la maîtrise de l’énergie) et Novethic (filiale de la Caisse des Dépôts consacrée à l’investissement responsable) dresse un constat sévère des ambitions affichées par les promoteurs, investisseurs, constructeurs et gestionnaires de parc français alors qu’elles recouvrent des enjeux considérables dans la lutte contre le réchauffement climatique. « Le secteur immobilier est responsable de près du quart des émissions de gaz à effet de serre françaises et de 40% de la consommation d’énergie » souligne l’étude. Le critère énergétique a été privilégié par les chercheurs car il est le plus à même aujourd’hui de « hiérarchiser les engagements en faveur du développement durable » et de « susciter une prise de conscience des enjeux », explique Blaise Desbordes, directeur des études chez Novethic. Le baromètre (de zéro à quatre) construit par les rapporteurs montre que plus de la moitié des entreprises cotées (14 sur 24) propose très peu ou aucune information sur la notion de performance énergétique des bâtiments. Vinci, Nexity, Eiffage, Bouygues construction, Pierre et Vacances, Club Med atteignent le niveau un. Les investisseurs - Natexis Banque Populaire, BNP Paribas, Société Générale - étant « les plus en retrait et les plus attentistes ». Seules quelques entreprises atteignent un bon niveau d’information (niveau trois) sur la performance énergétique des bâtiments dont Saint Gobain, Accor, Carrefour et Lafarge (à la limite du niveau trois). Mais aucune entreprise n’atteint l’excellence (niveau quatre) qui serait « en phase avec les impératifs de lutte contre le changement climatique et les objectifs nationaux soit une division par quatre des gaz à effets de serre d’ici à 2050 » explique le chercheur.
« Très bon rendement ». « La France accuse un retard particulier. On ne constate pas, pour le moment, d’industrialisation ou de systématisation des constructions durables ou green buildings même si des expérimentations sont réalisées un peu partout » commente Blaise Desbordes. A contrario, « le marché américain commence à valoriser les « green buildings », notamment sur le marché des bureaux d’entreprises, grâce au développement des certifications » ajoute le chercheur de Novethic. « Quant à l’Allemagne, elle est sans commune mesure très en avance sur cette problématique. L’offre de prêts subventionnés et bonifiés de la banque KfW à destination des professionnels et des particuliers pour isoler le bâti y est porteuse d’un très bon rendement de l’argent public pour des résultats massifs en nombre de logements améliorés par exemple ».
Changer d’air ? A l’instar de Lafarge, qui entend « créer un effet d’entraînement dans son secteur en réduisant les gaz à effet de serre de 20% de CO2 par tonne de ciment avant 2010 », certaines entreprises tentent d’ouvrir la voie. « Malgré les bonnes volontés, les entreprises semblent paralysées par la complexité de la chaîne des acteurs immobiliers qui se reportent chacun la responsabilité de réaliser un surinvestissement pourtant amortissable au final» explique Blaise Desbordes. Mais, le vent pourrait tourner dans quelques années. Les premiers jalons d’une réglementation plus agressive se mettent en place. La réglementation thermique pour la construction neuve, renforcée tous les cinq ans vient d’être complétée par une réglementation appliquée sur les rénovations des bâtiments existants dès janvier 2008. La norme HQE (Haute Qualité Environnementale) dans le tertiaire promet des gains de productivité pour les entreprises (santé, confort, environnement) « Il est quasi certain que les immeubles de qualité environnementale ou durable seront bientôt différenciés dans les actifs immobiliers et qu’ils seront mieux valorisés financièrement » prédit Blaise Desbordes. Ainsi, « l’anticipation des risques énergétiques et de la réglementation constitue d’ici à trois ou cinq ans une très belle stratégie d’investissement pour les opérateurs » annonce t-il. |