Après un an d'existence, la Haute autorité de lutte contre les discriminations a enregistré, en 2006, une forte hausse de réclamations.
L'emploi est cette année encore le premier domaine de discrimination, dont le critère principal demeure l'origine ethnique. S'agissant de l'homophobie, la Halde souligne que ces discriminations demeurent insuffisamment identifiées et combattues comme telles. 1410 réclamations en 2005 et plus de 4000 en 2006 : après un an d'existence, la Halde semble avoir trouvé sa légitimité et son utilité. " Cette croissance rapide se confirme au premier trimestre 2007 avec plus de 1700 réclamations. Cela traduit à la fois une prise de conscience de l'enjeu des discriminations, un recul de la résignation de la part des victimes et un changement du regard que notre société porte sur les discriminations ", explique la Halde. Avec 42,8 % des réclamations reçues, le domaine de l'emploi reste le plus important, secteurs privé et public confondus. Il est suivi par le domaine des services publics. L'origine ethnique, à plus de 35 %, est sans surprise le premier critère invoqué. En revanche, contrairement aux idées reçues, les plaintes en matière d'emploi visent principalement la carrière avec environ 30 % des réclamations contre 10 % pour le recrutement. La répartition des réclamations selon les critères de discriminations est comparable avec l'année précédente : l'origine demeure le critère le plus souvent invoqué, le second critère regroupe la " santé " et le " handicap ". Les pratiques de discrimination " affectent l'ensemble des conditions de travail, qu'il s'agisse des horaires, de la rémunération, de la formation, du déroulement de la carrière, de la mobilité, etc ", observe le rapport 2006. par ailleurs, ces pratiques sont semblables, qu'il s'agisse du secteur public ou du privé. Loin d'être anodines, ces pratiques ont des conséquences lourdes pour les victimes. " Ces différences de traitement qui peuvent affecter, selon des modalités variées, tous les domaines de la vie professionnelle, comportements de harcèlement fondés sur un motif discriminatoire, mesures de rétorsion visant à faire pression, licenciements de nature discriminatoire, refus d'aménagement de poste opposés aux travailleurs handicapés ". Bien connue, la discrimination sexuelle est toujours d'actualité puisque les femmes, avec un niveau de formation équivalent, un âge identique et une expérience comparable, conservent une rémunération inférieure de 10 à 15 % à celle d'un homme. Plus difficile à évaluer, les discriminations relatives à l'orientation sexuelle ne représentent encore que 16 % des plaintes, alors qu'une enquête menée par la Halde révèle que 40 % des personnes homosexuelles interrogées déclarent avoir été victimes d'actes ou de propos homophobes. " Cet organisme s'attend à un effet boule de neige car ce sujet était pour l'instant peu médiatisé. L'institution vient en effet de traiter un premier gros dossier sur ce thème. Il concernait un fonctionnaire du ministère des Finances, victime d'homophobie pendant plus de dix ans ", souligne l'Autre Cercle, l'une des principales associations homosexuelles agissant dans le monde du travail.. Un sondage qu'elle a effectué, en 2006, auprès des salarié(e)s des secteurs privés et publics révèle une forte crainte d'être stigmatisé : 42 % des homosexuel-le-s ne sont pas visibles au sein de leur entreprise et 66% d'entre eux expliquent cette non-visibilité par peur de représailles. " En 2005, cette appréhension était exprimée par 61% d'entre eux. La tendance est donc confortée : la peur incite les salarié-e-s au silence et au déni de soi ", souligne l'Autre Cercle. L'association, qui fait partie du programme européen Equal, a réalisé un " Référentiel de Bonnes Pratiques " sur le sujet ainsi qu'un observatoire pour identifier les entreprises et les organisations publiques qui les appliquent. " Le sentiment de crainte peut être écarté avec une simple mise en place d'une politique de Bonnes Pratiques au sein des entreprises : les homosexuel-le-s notent un meilleur climat dans les univers professionnels où il existe une charte contre les discriminations prenant en compte l'orientation sexuelle. En revanche, l'absence de telles dispositions influe directement sur l'ambiance, jugée dès lors plus difficile " . Un phénomène mondial Au niveau mondial, la situation n'est guère plus satisfaisante. Selon le récent rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les conditions d'emploi dans le monde, publié le 10 mai, les personnes handicapées, homosexuelles ou atteintes par le virus du SIDA subissent de nouvelles formes " plus subtiles " de discrimination en matière d'emploi. "Il est frappant de voir la discrimination présente partout dans le monde, indépendamment de la richesse ou de la pauvreté d'un pays ou de son système politique", souligne Manuela Tomei, auteure du rapport. L'OIT révèle de nouvelles formes de discriminations particulièrement inquiétantes, comme le dépistage génétique, que les employeurs utilisent pour connaître l'état de santé actuel ou futur, des candidats. " La discrimination génétique sur le lieu de travail a été prouvée et contestée devant plusieurs tribunaux dans le monde entier ", précise Manuela Tomei. C'est le cas notamment aux Etats-Unis, où la Commission de l'égalité des chances en matière d'emploi (EEOC) a pu prouver que l'entreprise Burlington Northern Santa Fe (BNSF) Railroad avait secrètement soumis ses employés " à des tests dissimulés portant sur un marqueur génétique ". Deux mois après l'engagement de la procédure, la Commission pour l'égalité et la BNSF sont parvenues à un accord, dans lequel " la première a obtenu tout ce qu'elle demandait ". |