Quand le smartphone prolonge le réseau électrique intelligent
Et si les mobiles détenaient la clé de la réduction de la consommation électrique européenne ? Derrière cette question en forme de légère provocation se cache une problématique des plus sérieuses. Certains éditeurs de logiciels ou opérateurs énergétiques proposent déjà des applications sur smartphone pour visualiser la consommation de son logement et donc en prendre conscience. Mais les mobiles donneront aussi la possibilité d'adapter son comportement pour réduire la facture.
Du 23 au 26 mars 2010 s’est tenue à Bruxelles l’EU Sustainable Energy Week (semaine de l’énergie « durable » de l’Union Européenne). Or, les organisateurs avait réservé une session complète à l’intelligence énergétique avec un débat consacré à la nécessité d’informer et d’éduquer les consommateurs sur le thème de l’efficacité énergétique. Car « on ne peut pas changer ce qu’on ne connait pas », comme l’a rappelé lors de sa présentation, Susana Banaras, directrice du département de la demande pour l’opérateur RED Electrica en Espagne.
De l’électronique de bout en bout
D’un point de vue purement technologique, l’efficacité énergétique repose sur les réseaux électriques intelligents (smart grids) dans lequels viendra s’inscrire de plus en plus naturellement le smartphone. Ce réseau électrique intelligent se distingue du réseau classique par les moyens dont il est doté pour optimiser la fourniture d’électricité. Il gère l’accès aux sources d’énergie (traditionnelles mais aussi renouvelables), il organise au mieux le transport de l’électricité et en régule la consommation. Ce type de réseau a pour vocation d ’économiser l’énergie, d’en réduire le coût et d’en limiter la pollution. Consommation électrique rime en effet la plupart du temps avec émissions de gaz à effet de serre (GES) car l’énergie est produite par des centrales électriques polluantes. Même en France où la plus grande part de l’électricité provient de centrales nucléaires qui n’émettent pas de GES, en cas de pic de la demande, on fait appel en complément à des centrales thermiques, par exemple.
Les nouveaux réseaux électriques, dits intelligents, sont équipés d’électronique de bout en bout, et s’appuient en particulier sur les compteurs intelligents installés progressivement par les opérateurs dans les bâtiments. Contrairement aux compteurs classiques, ceux-ci mesurent la consommation de façon précise et différenciée (pièce par pièce, appareil par appareil), affichent cette information et éventuellement son analyse, et peuvent aller jusqu’à agir pour la réduire. Et c’est ici qu’intervient la téléphonie mobile. Réveillant les rêves anciens de domotique, les smartphones prolongent le rôle des compteurs intelligents en donnant un accès à distance à ces informations et à la régulation de la consommation électrique d’un logement, d’un immeuble d’habitation ou de bureaux.
Le contrôle de la consommation au bout du mobile
Le Français Vizelia par exemple, équipe les bâtiments afin d’en surveiller et modérer la consommation. Des capteurs répartis dans un appartement, une maison ou un immeuble de bureaux récoltent les données issues des différents appareils installés. Le logiciel, lui, analyse ces informations de façon centralisée avant d’afficher les graphiques idoines sur un écran prévu à cet effet ou sur Internet. Les utilisateurs visualisent instantanément les kWh et les euros dépensés et sont éventuellement alertés en cas de surconsommation. Et c’est très logiquement que Vizelia propose depuis fin 2009 une application iPhone qui donne accès à son logiciel. Un particulier ou une entreprise peuvent ainsi surveiller leur consommation à n’importe quel moment et depuis n’importe quel endroit. Les mêmes graphiques informent le propriétaire du mobile. Voilà celui-ci armé pour changer de comportement. D’autant que si éteint plus régulièrement les lumières ou baisse la température ambiante, le résultat de ses effort sera aussi affiché sur son mobile. Motivation comme une autre, certains campus américains ont lancé des concours de réduction de consommation avec ce type d’outils. Une forme de chasse au gaspi en 2.0.
La société Mobigard a mis au point un service similaire appelé Ijenko qui s’adresse aux ménages. Après installation d’une « box » connectée aux appareils de la maison, des alertes SMS peuvent être envoyées aux habitants du logement qui s’informent sur un site Web privatif où s’affichent kWh, euros et émissions de CO2. Devant un PC, mais aussi et surtout depuis un téléphone mobile, la famille peut choisir de baisser son chauffage en partant de son domicile et de ne le remettre en route que peu de temps avant de rentrer, le tout à distance.
Photo : Ijenko
Au delà de son rôle de surveillance, le smartphone dispose en effet d’ores et déjà de capacités d’action pour réduire la consommation. Dans le cadre d’une expérience d’utilisation de compteurs intelligents à Houston au Texas, l’opérateur récolte les informations envoyées par le logement et les analyse. Elles s’affichent sur un boitier-écran relié au compteur, mais aussi sur l’iPhone des propriétaires qui peuvent agir en conséquence depuis n’importe où dans le monde.
Les smart grids jouent un rôle important dans la sensibilisation des ménages et des entreprises à leur consommation énergétique et les implique dans sa réduction. Dans cette démarche, nul doute que le smartphone jouera un rôle essentiel devenant une sorte de compteur intelligent mobile. Et ce d’autant plus que son intégration dans le réseau est très simple. En effet, la plupart du temps, les données collectées par les compteurs sont accessibles via Internet (elles sont envoyées vers des serveurs où elles sont traitées et analysées puis rendues accessibles). Rien de plus facile ensuite que de développer une application mobile qui permette de les recevoir sur un téléphone. En accédant directement aux équipements électriques par la téléphonie, les smartphones devraient aussi pouvoir les régler à distance. Emmanuelle Delsol.
(*) 20% de réduction des émissions de gaz à effet de serre, 20% de la production électrique provenant des énergies renouvelables, 20% d’augmentation de l’efficacité énergétique.
En partenariat avec Proxima Mobile.
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